Qu’est-ce qui fait vibrer Saint -Brieuc ?

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Un soir de fête à Art Rock (Archives Pascal Le Coz)

C’est la plus petite des préfectures bretonnes. Pourtant, ses habitants ont une réputation d’ouverture à la fête et à toutes formes d’expression culturelle. La preuve avec Art Rock, La Passerelle, Photoreporter et des salles à la programmation inventive. Jean-Michel Boinet, fondateur d’Art Rock, jauge le dynamisme d’une cité qui vit au-dessus de ses moyens artistiques, et s’en porte bien.

Les Briochins vibrent pour Art Rock, ici lors du concert de Louise Attaque en 2016 (Photo Guénolé Tréhorel, DR)
Les Briochins vibrent pour Art Rock, ici lors du concert de Louise Attaque en 2016 (Photo Guénolé Tréhorel, DR)

Art Rock, festival ouvert à tous les courants d’arts

Jean-Michel Boinet avez-vous dû batailler en 1983 pour imposer votre projet ?
Au contraire, avec Marie L’Hostis (aujourd’hui à La Passerelle), notre idée de mêler musiques actuelles, photo, arts de la rue, vidéo… a été très bien accueillie par la Ville, le Département, la Région, la Drac…
« Bien accueillie » signifie peut-être qu’il y avait un besoin. Quel était l’état des lieux culturel à l’époque ?
Le festival n’est pas arrivé ici pour combler un vide mais parce qu’il était intéressant. Et puis peut-être aussi parce qu’il y a trouvé un cadre et des gens particulièrement réceptifs.
Par rapport aux Transmusicales où vous vous êtes fait la main, comment qualifier Saint-Brieuc?
Ce n’est pas comparable. Rennes est une métropole quatre fois plus peuplée. En revanche, quand on arrive dans un cadre plus restreint, on peut paradoxalement faire des tentatives plus originales, plus osées.
La sauce a-t-elle pris tout de suite ?
Oui. Malgré un budget très juste (15.000 euros contre plus de 2,5 millions maintenant), on a su dès le début attirer des artistes de qualité : Royal Deluxe, Philippe Starck, Découflé… qui ont attiré eux-mêmes un large public et ont très tôt défini notre image.
Avez-vous l’impression qu’Art Rock a fait des petits ?
On est dans un cadre déjà riche en activités, bénéfiques à Art Rock, comme Art Rock leur est bénéfique. Cela dit, on n’est pas arrivé dans un désert culturel, La Passerelle (Scène Nationale aujourd’hui) a été créée en 1982. Et ça marche à mort. On a aussi La Citrouille et sa belle programmation de musiques actuelles, L’Hermione, le Palais des congrès pour la variété. Dans l’agglomération on a Bleu Pluriel, le Grand-Pré, les salles de Pordic, Ploufragan… qui sont des lieux d’exception et complètent bien le dispositif à l’année.
Y aurait-il besoin d’un événement l’été ?
La ville répond bien l’été par des événements plus petits et nombreux, comme les Nocturnes. Par ailleurs, les riches programmations des salles citées répartissent bien les animations toute l’année. Sans compter le festival international Photoreporter en octobre. Pour une ville moyenne, je trouve qu’on est plutôt bien loti.

Le succès d'Art Rock est aussi dû à l'esprit festif local. Pas de bon festival sans bons festivaliers (Ici Artonik en 2016). (Photo : Henri Poulain DR)
Le succès d’Art Rock est aussi dû à l’esprit festif local. Pas de bon festival sans bons festivaliers (Ici Artonik en 2016). (Photo : Henri Poulain DR)

Art Rock en chiffres

78 000 spectateurs
650 artistes et techniciens
205 salariés
600 bénévoles
3200 repas servis
16000 assiettes préparées par 20 chefs, dont 6 étoilés. Art Rock c’est aussi «Art’n Toques» au village du festival
96 partenaires et mécènes
150 entreprises prestataires
80 spectacles/expos/concerts
90 concerts dans le OFF du festival, Arbist’Rock

Attendus les 2,3 et 4 juin :
Julien Doré, La Femme, Metronomy, Deluxe, et autres grandes surprises…

Grosse ambiance à Poulain-Corbion lors de Art Rock (Archives Pascal Le Coz)
Grosse ambiance à Poulain-Corbion lors de Art Rock (Archives Pascal Le Coz)

Photoreporter, la photo est dans l’ADN de la ville

En 2011, Alexandre Solacolu créé Photoreporter qui sponsorise, expose des photoreportages et révèle des talents internationaux. Mais le festival n’est pas arrivé là par hasard : la photo est une passion de longue date à Saint-Brieuc.

En octobre, les rues pavoisent. En cinq ans, Photoreporter est devenu un rendez-vous incontournable. Ecoles, associations, commerces, banques… tout le monde y participe. Les photographes s’invitent même à la maison d’arrêt.
Si ça marche c’est que l’événement est à la croisée entre partenaires publics et mécènes privés, exigence artistique et accessibilité au grand public, mais aussi entre culture et économie. Mettre des photoreportages de qualité à la portée de tous attire des centaines de personnes sur les deux lieux d’expositions (maison du festival et Carré Rosengard) et dans tous les lieux essaimés par le festival off.
«Ça met du flux dans la belle endormie, métaphore Lénaïck Hemery, directrice com. Organiser le festival en période creuse dope l’activité.» Les hôtels maintiennent une activité hors saison. Ça donne surtout envie de revenir dans la cité des vallées.
«La nouvelle image de Saint-Brieuc se construit autour de l’art, note Christian Daniel, adjoint à la culture. Avec Art Rock mais aussi Photoreporter. Et cela ne date pas d’hier: les expos affichées en ville sur la guerre 14/18, sur la libération de Saint-Brieuc ont beaucoup plu.» Et l’élu de citer encore le succès de l’expo Bretonnes de Charles Freger, un fonds patrimonial municipal constitué à 40 % de documents photographiques, la biennale Clin d’œil, les expos au Jardin d’Hiver, la tradition briochine d’éditions de cartes postales…
« La Photo est dans l’ADN de la ville. Quel que soit l’endroit où il se porte, l’œil du Briochin ne peut y échapper.» Il est des prescriptions plus déplaisantes.