« Pas de lin, pas de pain », le dicton quintinais montre que le travail du lin (l’or bleu) représentait une activité vitale pour la région. La finesse de la production a fait la richesse de la ville et sa réputation jusqu’aux Amériques.
Les toiles les plus fines
Généralement, les paysans tissaient à domicile, pendant l’hiver. Une activité subsidiaire qui mettait toutefois un bon bout de beurre dans les épinards. Toute la famille s’y mettait, depuis la culture jusqu’au tissage. Certains travaillaient des toiles dites « Oléron », destinées à la fabrication de voiles et exportées vers le nord de l’Europe, puis vers Lorient ou Brest.
Les toiles dites « Bretagnes » étaient plus délicates. On les trouvait dans un triangle Quintin -Moncontour – Loudéac, avec des centres secondaires : Uzel, Mûr… Toiles pour vêtements et lingerie de luxe (coiffes, manchettes… pour les plus fines, chemises, mouchoirs pour les autres).
La plus productive de Bretagne
Exportées vers l’Espagne et ses colonies d’Amériques, ces « Bretagnes » rapportent par exemple 3.750.000 livres en 1686, alors que les « Créés » de Morlaix n’ont pas dépassé 1.420.000 livres. C’est la plus importante production bretonne. En 1712, on compte 600 métiers à tisser à Quintin, une centaine à Uzel, 50 à Loudéac, sans oublier les centaines d’ateliers domestiques dans les campagnes : environ 3.500 recensés en 1763. Cet artisanat faisait vivre 35.000 personnes sur 40 paroisses.
Un lin exceptionnel
La graine, venue du nord de l’Europe, est semée dans une terre bretonne idéale pour elle. Le lin y est réputé pour sa beauté et sa souplesse. Récolté en été, égrené, il fermente dans un routoir qui détache la fibre du reste de la plante. Après séchage, il est teillé (broyé) pour assouplir les fibres et en enlever la gomme. Les ballots sont ensuite filés par les femmes, tissés par les hommes. Puis les toiles sont blanchies 2 à 4 mois durant dans des cuves d’eau mêlée de farine puis de cendre, empesées. Les balles sont expédiées vers les ports de Morlaix, St-Malo, St-Brieuc, Nantes… La beauté des demeures de la ville doit beaucoup à la richesse des négociants. Les guerres de Louis XIV puis la concurrence anglo-saxonne viendront freiner cet industrie. Les 9 cantons du « triangle de l’or bleu » perdent 30.000 habitants entre 1779 et 1836.
* La fleur de lin est bleue et ne s’ouvre que quelques heures par an.
De la graine à la toile,
La Fabrique vous met la main à la pâte
Belle initiative que cette Fabrique ou « Maison des tisserands » où l’on peut expérimenter en direct toutes les étapes de la fabrication textile. C’est à une exploration sensorielle que nous convie Julien, l’animateur. Elle commence par le goût des graines de lin, la douceur de la fibre et la finesse de la toile… Puis on s’initie au travail du tisserand, sur un métier à tisser du XIXème siècle. Enfin on se frotte à l’univers des négociants-toiliers, jusqu’à l’exportation de la toile. On peut ainsi vivre toutes les étapes de la transmutation de la graine de lin en richesse. Une visite interactive de 45 minutes qui s’adresse à tous.
D’octobre à mai : visites sur rendez-vous.
La Fabrique, 1, rue Degrés. Quintin. 07 85 38 40 96
Le lin, fibre d’avenir
Aujourd’hui, le lin trouve des applications dans le textile, mais aussi dans le mobilier, le ski, le surf, l’automobile, le bâtiment, le nautisme, l’aéronautique, la décoration… Il se contente de peu d’eau et de pesticide, contrairement au coton, et se montre aussi résistant que la fibre de verre, en plus léger. Ecologique, souple et résistant, c’est une excellente alternative aux autres fibres.