Histoire méconnue : Qui se souvient des « Ailes du Jaudy » ?

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La 1ère guerre mondiale s’est aussi gagnée à l’arrière. Tréguier, place stratégique, a sa modeste part dans la victoire. Malgré de lourdes pertes parmi les voiliers paimpolais et pleubihannais.

Il n’y a pas eu que les tranchées. Le conflit mondial s’est aussi joué dans les abers et rivières, lieux d’infiltration possible de l’ennemi, et surtout clés pour l’approvisionnement énergétique.
Chez nous, le Jaudy recevait du charbon gallois, vital en raison du blocus sur le front de l’est. Le transport du charbon était souvent assuré par de petites unités. Ou pas assuré puisqu’au cours du conflit 16 voiliers pleubihannais et 22 paimpolais furent coulés à coups de canons (trop petites cibles pour gaspiller une torpille), par des sous-marins allemands, véritables terreurs des mers depuis le torpillage du Lusitania en 1915. D’invention récente, l’hydravion était le plus fiable antidote à cette menace sous-marine. « Ils étaient alors rattachés à la Marine et considérés, comme des bateaux qui volent ».
A la confluence du Jaudy et du Guindy, la Roche-Rouge présentait un profil idéal dans la chaîne des CAM (Centres d’Aviation Maritime) constellant les côtes depuis la mer du Nord jusqu’en Méditerranée. Il fut opérationnel de janvier 1917 à 1919 et se distingua dès juillet 1917 par des bombardements de sous-marins attaquant des chalutiers transformés en convoyeurs ou patrouilleurs. La nuisance allemande se réduira peu à peu dans la Manche.
En octobre 1918, les Américains modernisent le CAM. Ils mêlent leurs Curtiss aux hydravions français. Les autochtones voient « moins de différences entre eux-mêmes et les Noirs qu’avec ces ricains étalant leurs richesses et suffisance ». Trois soirées dansantes seront organisées à l’inauguration (auxquelles n’assisteront que deux Trécoroises). Le CAM sera achevé quelques jours avant l’armistice, ce qui le rendra inutile… Depuis, l’espace s’est peu à peu délité, devenant terrain de jeux ou de pique-nique puis s’enfonçant dans l’oubli. Jusqu’à ce qu’Yvon Le Vaou, un Plouguiellois qui, enfant, rêvait d’être pilote, n’en ravive la mémoire dans un très complet dossier*. Grâce à lui, une stèle rappelant ces faits fut érigée en 2004, (voir carte ci-contre) lors d’une inauguration saluée par rien moins que la Patrouille de France.