Naous et les haras de Callac, Victor se souvient

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Jean-Pierre Le Guyader, de RKB, et Victor : une discussion entre passionnés et spécialistes.

Incontestable capitale de l’épagneul breton, Callac a également été celle du cheval jusqu’à 2003, date de la fermeture des haras. Ceux-ci ont pourtant compté au milieu du siècle dernier 17 étalons, dont le célèbre Naous. Ce qui en faisait la plus belle station de France. Victor Le Tertre, que personne n’aurait ici l’idée d’appeler autrement que Victor, se souvient.

« Tout a vraiment commencé en 1903 avec quatre étalons, des Ardennais, » commence l’ancien agriculteur et éleveur de chevaux de 92 ans, solidement attablé dans la cuisine de sa maison callacoise aux côtés du reporter de Radio Kreiz Breizh, Jean Pierre Le Guyader. « La station des haras était alors dans la cour du bar des sports. »
Le nombre d’étalons augmente ensuite très vite avec l’apport de « traits bretons ». Il y avait en ce temps-là beaucoup de petites fermes dans la région callacoise et donc de juments, deux en moyenne par exploitation. Il fallait des animaux « costauds » avec un suivi génétique. La demande était ainsi très forte aux haras.
« La monte se faisait de fin février à juillet et trois fois par jour à heures fixes. A 7h00, 11h00 et 16h00. Chaque étalon montait 120 juments en moyenne par an », poursuit Victor. Et, comme partout, se glissaient des petits malins. «Certains donnaient des pourboires à l’adjudant-chef pour que leurs juments passent avec les meilleurs étalons.» Ce sont les haras nationaux de Lamballe qui envoyaient, par le train, ces reproducteurs.
«C’était une grande fête, avec une foule considérable, lorsque ceux-ci arrivaient. Un sacré défilé de la gare au haras. Ça se terminait souvent au restaurant chez Montfort ou au bistrot . Il y en avait partout à l’époque.»
Le haras de Callac employait alors cinq palefreniers encadrés par un « adjudant-chef pas toujours commode ».
Il y avait une véritable économie autour du cheval.  « La vente de deux poulains payait la St-Michel, indique Victor. Et celui qui perdait une jument était quasiment ruiné.»
Et qui dit économie, dit marchands. Et avec eux, il fallait mieux faire preuve de « prudence et de méfiance aussi. Il y avait parfois des margoulins qui avaient tout les vices. » Mais il existait aussi des honnêtes gens.
Victor en fit l’expérience quand il convoyât, à 18 ans, seul et à pied, huit juments plus un étalon jusque Landivisiau. Dix sept heures de marche. Un sacré exploit. « J’ai touché 250 francs soit un mois de salaire. J’avais aussi trouvé une bonne table. Mais j’avais des échauffements aux cuisses, alors la femme du marchand, pharmacienne, m’a soigné et m’a fait prendre une douche. La première de ma vie. »

Naous, sa vie, son œuvre

Naous serait né au mois de mars 35 à Plusquellec. Et c’est là que l’affaire se complique quelque peu. D’après certains, dont Victor, il a en effet plutôt vu le jour en Loire Atlantique. « Acheté par un maquignon, Naous serait arrivé par chez nous avec de faux papiers », assure Victor Le Tertre.
Mais cette naissance en Loire Atlantique ne serait, aux dires des Haras Nationaux, qu’une légende. Des documents d’archives prouveraient qu’il est bel et bien originaire de la région callacoise.
Sa mère, Uvry, est une ardennaise importée en Bretagne et son père, Bade par Sablet, un trait breton. Le plus connu et le plus performant des reproducteurs bretons serait donc un métisse.
De belle allure, il a tout d’abord été vendu à Louis Le Page de Plonévez-du Faou, dit « le Diable boiteux ».
Ensuite, en 1938, les Haras font une offre à 38 000 francs. Une sacrée somme à l’époque.
Et c’est en 1939 qu’il débute sa fabuleuse carrière à la station de Callac (voir Noaous en bref).
Quatorze ans après, Naous sera finalement réformé après de très bons et très loyaux services en raison d’une tumeur (verrue) incurable à la … verge. Une bien triste fin.
Le géniteur a bien sûr fortement contribué à l’excellente réputation des haras de Callac ainsi qu’à la notoriété de la ville.
L’initiative de la statue de Naous revient à André Cornu, secrétaire d’Etat chargé des Beaux arts, sûrement influencé par le chef du gouvernement d’alors René Pleven, originaire du département.
Réalisée par Georges Lucien Guyot, sculpteur par ailleurs du taureau de Laguiole, cette imposante statue en bronze de 1,6 tonne est inaugurée en 1958 en même temps que les nouveaux haras.
Souvent repeint, notamment en zèbre, par des farceurs, nombreux à Callac, Naous a retrouvé depuis tout son lustre et trône maintenant fièrement place Jean-Auffret face à la mairie.

L'emblématique Naous, symbole de la station des haras de Callac.
L’emblématique Naous, symbole de la station des haras de Callac.
Victor Le Tertre est un véritable passionné à la mémoire alerte.
Victor Le Tertre est un véritable passionné à la mémoire alerte.

Noaous en bref

  • Né le 28 mars 1935 à Plusquellec ou en Loire-Atlantique.
  • Réformé en 1953 (tumeur à la verge)
  • 27 étalons fils
  • 116 petits-fils étalons
  • 245 arrière-petits-fils étalons