Le bail à convenant au Moyen Âge : Une curiosité bas-bretonne

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1919

Le bail à convenant ne se pratiquait qu’en Basse-Bretagne. Essentiellement en Cornouailles et dans le Trégor. Ce qui est une réelle originalité a vu le jour au bas Moyen Âge (1300-1500). Ce bail un peu particulier était en quelque sorte un contrat de location à double propriété entre un bailleur foncier et un fermier. Explications.

Essayons de faire simple : d’un côté les propriétaires : des nobles (60 à 70% des terres bretonnes), le clergé, des bourgeois ou riches paysans. De l’autre les locataires : des fermiers aussi appelés convenanciers, colons ou domaniers.
Entre ces deux catégories un bail foncier. Oui mais un bail à double propriété qui n’existait qu’en Basse-Bretagne : le seigneur laissait, moyennant un fermage et le service des corvées, l’exploitation de ses terres au domanier. Mais, et c’est ce qui fait toute la singularité de la chose, les maisons, granges, cultures, talus et fossés établis par l’exploitant – en gros tout ce qui se trouvait en surface à l’exception notable des arbres de qualité (hêtres, châtaigniers, chênes et ormes) – devenait propriété de celui-ci. Ce système visait à encourager la mise en valeur des terres et la construction de bâtiments agricoles grandement nécessaires en cette période de fin de guerre de succession de Bretagne (1341-1364) qui a vu la désertification de nombreux villages bretons.
Le bail à convenant était-il vraiment à la faveur du l’exploitant ? Difficile à dire.
Pour les uns, il s’agissait ni plus, ni moins que de « l’élixir de la féodalité car sous une apparente douceur se cache un archaïsme certain. » (Joseph-Marie Lequinio, révolutionnaire et député à la convention). Leur suppression est aussi réclamée avec véhémence dans les cahiers de doléances (1789). « Mais ces cahiers sont une littérature de combat », nuance Isabelle Guégan (réf : journal Paysan Breton) qui a consacré une très intéressante thèse sur le sujet des baux à convenant (ou domaines congéables).
D’autres, au contraire, considèrent que celui-ci favorise « un individualisme fécond en ambition et en ressources émancipatrices. » (L’historien Léon Dubreuil en 1910). Il est vrai qu’une aristocratie paysanne, faite de fermiers travailleurs mais aussi malins et pour le moins opportunistes, émerge. Cette nouvelle « élite » n’hésite d’ailleurs pas à sous-louer des terres en exigeant parfois le triple de ce qu’ils versent eux-même au seigneur… Ce type de bail – d’une durée de 9 ans – permet également une certaine stabilité. Car si le propriétaire souhaite congédier un domanier, des « droits réparatoires », estimés par trois experts et parfois très importants, lui seront réclamés. En général, c’est le statu quo qui prévaut malgré un réel marché foncier lié, notamment, aux héritages . « Ce fonctionnement apportait une sécurité et une maîtrise de leur outil de travail aux exploitants. En fait, ils ne se considéraient pas comme des vassaux. » (réf : Isabelle Guégan). Alors, bénéfiques ou pas, ces convenants ? Chacun se fera sa propre idée .