Nul n’est prophète en son pays. Le chouchenn n’avait pas la cote auprès des locaux: « trop liquoreux », « boisson pour touristes… » Heureusement, depuis les années 60 une lignée de puristes en perpétue discrètement la recette authentique.
Surplombant la mer sur les hauteurs de Beg-Léguer, la cave vaut déjà le détour par son cadre. C’est par hasard que Stéphane Mordeles est devenu producteur de chouchenn: « J’étais client d’un producteur authentique, à Quemperven, lui-même héritier de M. Gautier-Marc’h, de Ploubezre. Proche de la retraite, le premier cherchait un repreneur. Pour ne pas que le savoir-faire se perde, je me suis lancé. »
Il faut dire que le produit n’a rien à voir avec le chouchenn industriel. Dans les années 60, le tourisme a favorisé une production bas de gamme, trop sucrée, chauffée, fermentée en 3 semaines dans des cuves inox. La sienne n’est faite que d’eau, de miel, de levures et de patience, fermentée dans des tonneaux ayant contenu du bordeaux .
« ‘L’hydromel est universel, on trouve de l’eau et du miel partout. Mais il avait un caractère sacré. Chez les Grecs, par exemple, les promis ne buvaient que cela jusqu’à la pleine lune de leur mariage (d’où le terme «lune de miel»). Chez les Celtes, les druides seuls le préparaient. » Stéphane n’est pas druide mais le soin qu’il apporte à son hydromel relève du sacré. Son distributeur allemand, spécialiste mondial, n’a repéré qu’un seul procédé de fabrication similaire au sien, au Canada. Pas de pomme ni de cidre dans la recette du vrai chouchenn, on ne chauffe pas. On remplit le tonneau aux premières chaleurs, on l’ensemence de levures. 3 ou 4 mois de fermentation puis on attend 18 mois à 5 ans suivant l’un des 5 crus qu’on veut obtenir. Et, parole de Flâneur, on comprend pourquoi l’hydromel était appelé le « breuvage des Dieux »
Un dragon rouge pétri de celtitude.
M. Gautier-Marc’h, créateur de la recette, très porté sur l’histoire celte, a repris l’emblème de l’armée celte visible sur le drapeau gallois. Ayant lui-même participé à la création du drapeau trégorois, il a repris le symbole du dragon des armoiries de Saint Tugdual, venu d’outre-manche et fondateur de la cathédrale de Tréguier, capitale historique du Trégor. Le dragon rouge est aussi le nom du vieux-doux de 5 ans, fleuron de la production.