Parallèle au Léguer, la rivière de Kerninon fait une dernière halte dans la baie de la Vierge avant de se jeter dans la mer. Elle feint de s’y laisser freiner par l’antique mur de pêcherie, presque enfoui sous les sables à présent. Cette vallée ressemble en effet à l’entrée d’une matrice s’enfonçant dans la terre, une gaine ondulante soumise aux humeurs de la lune, aux va-et-vient des marées, et dont le mur de pêcherie, frein symbolique, constituerait en quelque sorte l’hymen protecteur. Juste à l’aplomb du mont de Vénus que peut, lui aussi, symboliser le rocher Beaumanoir, du haut de ses 61 mètres.
Mais ce n’est pas seulement la topographie qui a donné au lieu cette appellation de « baie de la Vierge ». Alors qui ? La Vierge Marie que l’on voit couchée dans la chapelle plus haut, à côté de son petit Jésus ? Une très rare représentation de la Vierge. Si rare même que nombre d’historiens ont voulu y voir un compromis entre la déesse Cybèle, déesse de la fertilité, et la Vierge Marie, pour mieux faire accepter celle-ci des Gallo-romains, longtemps présents sur le promontoire.
Il y a une troisième explication possible qui prend racine en Irlande et au VIIème siècle. Enora, fille d’un prince saxon, fut forcée au mariage avec Efflam, prince irlandais ayant juré de rester chaste. Ils s’entendirent pour s’unir comme frère et sœur. Mais le soir des noces, Efflam fut si ému de la beauté de sa « sœur » qu’il traversa la mer pour ne pas rompre son vœu et arriva à Plestin (où il convertit maints païens et tua moult dragons). Ce que voyant, Enora, toujours intacte, s’en remit à la grâce de Dieu et d’un esquif en cuir (probablement un curragh) pour le retrouver.
La Grâce de Dieu fit une minime erreur de calcul qui la mena au Yaudet, où elle fut retenue au reflux par le mur de pêcherie.*
Bref, Le Yaudet reste un lieu irrémédiablement voué à la virginité. Même ses versants et coteaux sont restés vierges de toute architecture parasite.
Et ça, c’est sans doute le plus grand miracle.