La double face du chiffonnier breton

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1870

Appelé pillotou en pays gallo, pilhaouer en pays breton, le chiffonnier a moins été un nécessiteux qu’une nécessité économique vitale, à une époque où on tirait le papier des vieux chiffons. Sale, ivrogne, voleur, ou bien finaud, drôle et instruit, son image a évolué.

L’abbé Pierre et Emmaüs ont donné du chiffonnier une image d’entraide. Ça n’a pas toujours été le cas. Ce n’est que depuis le XXe qu’on sait fabriquer le papier à partir de la fibre de bois. Autrefois, il fallait compter sur les vieux chiffons récupérés dans les fermes et les villes contre argent sonnant, ou troqués contre divers ustensiles.
Ces besoins ont déclenché des vocations, notamment dans les pays à terre pauvre comme les Monts d’Arrée, la Roche-Derrien, la Trinité-Porhoët mais aussi autour de Saint-Brieuc et Quintin. Ce dont se souvient Yvon Gauthier chansonnier briochin :  » J’avais peur des « bonhommes des Mines » (ainsi nommés car habitant aux Mines), souvent alcoolisés, poussant leur charrette de vieux tissus : les parents nous menaçaient de les appeler si on n’était pas sages.  »
Tous n’étaient pas des pères Fouettard. Jacques Cambry les décrit au XVIIIe comme des hommes vifs, comptant bien, parlant mieux français et plus instruits car ayant voyagé.
De plus, ils colportaient les nouvelles, usaient d’humour et leur venue dans les fermes isolées apportait de la vie. Surtout à certaines femmes seules.
Rusé, on surveillait s’il ne soulageait pas la balance au moment de la pesée, mais les porcelaines de Quimper qu’il offrait en échange de frusques étaient estimées.
C’était un peu le rom de l’époque, dont on appréciait la verve et redoutait la ruse.

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Confréries importantes !
En 1860, le recteur de Lanfains (près de Quintin) compte plus de 700 pillotous ! Le métier pour certains débute après la première communion. Des vocations précoces motivées par les gains que certains en tiraient. A La Roche-Derrien, ils sont plus de 300 et forment comme une secte avec un chef et un argot particulier, le « Tunodo ». On les craignait autant que des « Romanichels » et ils étaient relégués dans les bas quartiers, près du Jaudy.

Sources : Pilhaouer et Pillotou, chiffonniers de Bretagne. Y.B. Kemener. Ed. Skol Vreizh