Sables-d’Or-les-Pins : un rêve fou deux fois poignardé

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Au commencement étaient les herbes. Rien que des dunes hérissées d’herbes sur des hectares de landes. En 1921, le promoteur Roland Brouhard s’émeut de cette virginité et décide d’en faire jaillir une station balnéaire chic et arborée. Le nom inventé de toutes pièces reflète cette double intention : Sables-d’Or-les-Pins.

Rapidement les dunes sont arasées, de larges avenues tracées avec une certaine fantaisie et plantées de pins. Le reste avance lentement : seuls 4 immeubles sortent du sable avant qu’en 1924, le rail venant d’Yffiniac traverse enfin la station. Irrigués par ce premier flux de visiteurs, les premiers hôtels poussent comme des champignons.
Sables-d’Or est vendue comme  » la station la plus moderne de France  » : tennis, golf 18 trous, polo, courses hippiques, régates… attirent une clientèle aisée. Le casino, ses spectacles de théâtre, danse, musique… font des nuits une fête permanente. On compte 10 hôtels, 60 villas (de style anglo-normand), 30 magasins, plus de 1 000 chambres au top du confort. Le train mettant Paris à 6 heures et une campagne de publicité forcenée font de la saison 1929 un triomphe surpassant toute prévision.
Mais le krach boursier d’octobre 29 frappe la station de plein fouet. La clientèle anglaise ne vient plus. Les dirigeants tentent de sauver la saison 1930 par de grandes fêtes avec leurs dernières finances.
En vain, la station périclite. En 1932, le Palais des Arcades est saisi, la société foncière dissoute. Roland Brouhard meurt ruiné.
En 1936, les congés payés apportent une vague touristique plus populaire. Aux animations chics succèdent sports et bains de mer. Insuffisant : le train de Plancoët s’arrête en 1939, celui d’Yffiniac en 1948. La guerre passe sur les Sables d’Or comme un typhon pire que la crise. La ville est interdite aux civils, les pins rasés, la plage minée, enlaidie de blockhaus, certaines villas détruites.
La station renaît pourtant de ses cendres en 1949. On replante, on rebâtit. Les hôtels rouvrent, un casino provisoire est installé aux Arcades, les tennis sont restaurés. Mais les aléas météo et une clientèle anglaise qui ne revient pas, vont empêcher la station d’atteindre les fous espoirs qu’avaient rêvés ses concepteurs. Sable-d’Or ne sera jamais Nice, et ce n’est sans doute pas plus mal.