Ce n’était vraiment pas prévu comme cela. Lors de l’achat de cette belle maison de la place du Centre en 2017, Vincent Gousset avait plutôt pour objectif de se constituer un complément de retraite avec la mise en location d’un commerce et de deux appartements. Mais la découverte d’une baie trilobée avec un écoinçon à l’intérêt patrimonial exceptionnel, l’a contraint à revoir ses plans. Récit d’une singulière histoire.
« Tout est parti de Fabienne Menguy, journaliste à Ouest-France, commence Vincent Gousset, un demi-sourire aux lèvres. Lorsque j’ai entrepris en 2021 d’enlever le béton projeté de la façade qui datait de 1952, j’ai découvert un pan de bois et une ouverture. Fabienne en a été informée et a écrit un article pour son journal. »
Il s’en est alors suivi de multiples réunions à la mairie de Guingamp avec l’architecte des Bâtiments de France et les représentants de la Fondation du patrimoine alertés par le papier du quotidien. Il s’avère que la baie mise à jour et les colombages sont des témoignages rarissimes de ce type de construction dans notre pays. Ce genre de fenêtre serait unique en Bretagne et on n’en connaît qu’une seule autre sur le territoire français, située dans la Somme.
Grâce à la dendrochronologie, la maison a également pu être datée : elle aurait été construite en 1416-1418, ce qui en fait la deuxième plus ancienne (étudiée) de Bretagne. Il n’était donc plus possible d’envisager la rénovation telle que l’avait initialement pensé Vincent. Les Bâtiments de France ne l’accepteraient pas, au regard « du remarquable potentiel de la bâtisse. »
Il n’y avait pas d’alternative : Il fallait impérativement la rénover à l’identique. Et c’est là que l’affaire s’est compliquée, notamment au niveau financier. « Je suis passé d’un prévisionnel de 80 000 euros à près de 250 000. J’ai bloqué mon esprit là-dessus et passé quelques nuits difficiles. » Le tapissier-décorateur retraité a dû se résoudre à vendre la maison de plain-pied, agencée pour ses vieux jours, qu’il possédait à Guingamp. Mais cela ne suffisait pas. Heureusement, Geneviève Le Louarn de la Fondation départementale du patrimoine remue alors ciel et terre et parvient à obtenir de conséquentes subventions (20% de la totalité des travaux estimés). Auxquelles s’ajoutent les 18 000 euros du Club des mécènes du patrimoine de Bretagne (composé d’entreprises bretonnes) séduit par « le caractère architectural hors norme du dossier. » Mais le compte n’y est pas. Est alors lancée une campagne d’appel aux dons qui reçoit un accueil favorable. Un prêt à la banque et l’apport de généreux amis permettent de continuer d’avancer. Et, aujourd’hui, après les travaux effectués dans les règles de l’art par l’entreprise lamballaise Moullec, le 35 rue Édouard-Ollivro resplendit avec sa façade couleur Christ en croix. Un potier s’est installé au rez-de-chaussée et Vincent Gousset vit au premier étage qu’il rejoint par le monumental escalier XVIIe. Il ne lui reste plus, si on peut l’énoncer ainsi, qu’à aménager les 120 m2 du duplex. « Il faut juste que mon porte-monnaie se remplisse… »