La treujenn-gaol : La clarinette qui parle breton

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** Goulc’hen Malrieu est sonneur en couple depuis 1988 avec son inséparable compère Olivier Urvoy. Danse de fest-noz, marche et animation de fêtes locales font partie intégrante de leur large répertoire. (Photo Julien Cornic/dr)

Instrument roi au pays de la musique bretonne, de la moitié du XIXe siècle à la Première Guerre mondiale, la treujenn-gaol* a ensuite souffert de l’arrivée tonitruante de l’accordéon dans nos villes et nos campagnes avant de retrouver le devant de la scène dans les années 1980. Grâce, notamment, à un gros travail de Patrick Malrieu et de ses condisciples de l’association Dastum. Sans oublier, bien sûr, les précieuses contributions de Christian Morvan et de Michel Colleu, alors à Ar Men.

« Mon père a effectué, en 1978, des études sur la clarinette pour le cahier Dastum n°5 consacré au Pays Fa­ñch, confie Goulc’hen Malrieu. Ça a été le début d’une intense période de recherches, de collectes, de journées d’études et de stages sous la houlette d’une petite équipe de sonneurs amateurs passionnés alors que la pratique de cet instrument était délaissée par le mouvement breton. » Six ans après, sortait un livret et un double album 33 tours d’anthologie, « Sonneurs de clarinette en Bretagne » (Le Chasse-Marée et Dastum), avec d’excellents enregistrements de Dominique Jouve, Christian Duros, Érik Marchand, Olivier Urvoy, Goulc’hen Malrieu et de tant d’autres. 1988 voit, quant à elle, la création de l’association Paotred an Dreujenn-gaol qui sera, un an plus tard, à l’origine des remarquables Rencontres internationales de la clarinette populaire de Glomel, Berrien et Poullaouen alors qu’une exposition (toujours disponible) « La Clarinette en Bretagne » tourne depuis deux ans déjà. Est-ce cette effervescence autour de la treujenn-Gaol qui attire de nouveaux pratiquants ? Toujours est-il que celle-ci « a alors retrouvé sa légitimité dans l’éventail des musiques bretonnes, selon les mots de Dominique Jouve. En couple, en duo avec un accordéon ou un tambour, dans les bagadoù ou ensembles musicaux, elle conquiert des terroirs* où elle n’était pas implantée. Elle se nourrit de la rencontre avec d’autres traditions de clarinettes et se frotte à d’autres esthétiques… »
Ainsi, le répertoire populaire (des airs de noces, de route et de danse tel que le Plinn, le Fisel, la Gavotte, les Rondes et les danses du Trégor, joués à l’époque lors de pardons, des fêtes et, surtout, des mariages) s’est grandement enrichi ces quarante dernières années avec, notamment, les indispensables polkas, mazurkas, valses et scottishs. Autant de musiques à danser qu’interprète Fleuves, l’un des groupes phare du moment, dans lequel Émilien Robic tient une place de choix à la…clarinette.

  • Treujenn-gaol, littéralement « trognon de choux » en Français ou, « tronc de choux en pays gallo. Nom parfois péjoratif notamment de la part des joueurs de biniou et de bombarde.
    *** La treujenn-Gaol s’ancre dans la tradition populaire, avec d’indéniables influences extérieures, et trouve, au milieu du XIXe siècle, ses terrains de prédilection au Centre-Bretagne, dans le sud du Trégor et à l’est du département de l’Ille-et-Vilaine.
    Dans le jeu en couple, les deux clarinettistes se répondent parfois à la façon des chanteurs de kan ha diskan (l’un mène et l’autre répond). Cette manière de faire était une spécificité du Centre-Bretagne.

1798, 1830, une arrivée en Bretagne difficile à dater
L’arrivée de la clarinette (invention Jean-Christophe Denner vers 1690 par amélioration de l’ancien chalumeau à 8 trous), sous nos latitudes est peu renseignée et semble être multifactorielle. Les Bretons qui ont été incorporés dans les formations de type « musique militaire à soufflant » ont sûrement contribué à son introduction lors de leur retour au pays, tout comme ceux qui sont revenus des colonies.
« Aucun document ne mentionne son utilisation avant la révolution et il est difficile de savoir si une pratique populaire existait avant les années 1830 », indique Joseph Lohou en 2016 dans « La musique bretonne à Callac ». D’autres affirment que sa présence était attestée dès 1798.