Longtemps vivier pour la pêche côtière ou hauturière, pour la Marine marchande ou d’Etat, la Roche Jaune vit dans le souvenir prospère de ses marins disparus. Retraités, plaisanciers, ostréiculteurs et cultivateurs bio ont pris le relai, ainsi qu’une belle vie l’été.
Dans le temps, les petits « Rochois » n’avaient de choix qu’entre la pêche, la Marchande ou l’armée. D’une façon ou d’une autre, les trois-quarts d’entre eux passeraient la moitié de leur vie sur l’eau. Ou dedans, s’ils décidaient de travailler pour un des trois ostréiculteurs d’alors, en cet estuaire du Jaudy, idéal pour l’élevage des huîtres.
Il reste un ostréiculteur, David Percevault, qui fait travailler une vingtaine de personnes et ouvre en été une terrasse de dégustation : La Cabane à huîtres, où on refait le monde au soleil couchant devant une fine et un verre de blanc.
De pêcheur, il n’en reste plus qu’un, alors que ça grouillait jadis. « Ça faisait vivre le bourg, se souvient le maire, Jean-Yves Nédélec et les taxis aussi (Le Cozanet, le Guen…) qui vivaient du transport des marins d’Etat à Brest ou au Havre. Et tous ceux de la Marchande… »
Le désir de montrer leur réussite a conduit beaucoup de ces marins à construire dans les années 60 à 85 de belles villas cossues sur les hauteurs… à présent remplies de retraités ou de touristes aisés ne venant qu’une partie de l’année. « Maisons trop chères pour les jeunes voulant s’installer ».
Alors morte La Roche ? Un peu l’hiver, c’est vrai, mais de Pâques à septembre, La Roche se réveille. D’abord parce que l’agriculture y vit toujours : « La plus forte part de cultivateurs bio du département, » note le maire. Mais aussi parce que les producteurs locaux ont lancé leur petit marché : Pain, légumes, fromage, poisson… presque tous bio, tous les jeudis de 18 à 20 h.
« Un marché qui serait plus visible sur la place centrale, plutôt que derrière le gymnase », jugent les intéressés, ainsi que Marie, la tenancière du bar-épicerie-presse Roc’h Melen. Elle n’est là que depuis huit ans mais connaît tout le monde. « On s’est vite apprivoisés, » sourit-elle, parlant avec affection de ses habitués comme des occasionnels : randonneurs, plaisanciers…
Des plaisanciers qui vont spontanément au Pesked, sur le port, un resto-bar tellement typique qu’il a servi de décor à bien des films. Si on remonte au bourg, Le Merle Moqueur propose une cuisine terre & mer copieuse, à savourer de préférence en terrasse.
Pour digérer, on peut longer le Jaudy et comprendre pourquoi le sculpteur américain Calder (connu pour ses mobiles) y a un jour installé ses pénates : la beauté de l’estuaire et des îles. Puis, à l’Enfer, on peut voir le moulin d’Ar Revr (du cul, en breton) ou, plus élégant, d’Aréré en français, puis le menhir de Kerlouc’h. Un peu plus loin les jardins du manoir du Kestellic, puis au retour les chapelles St-Laurent et St-Gouéno.
Quoi qu’on fasse pour s’en éloigner, cependant, tout nous ramène toujours à l’eau à la Roche, au Jaudy ou à l’estuaire : la gravitation universelle, les souvenirs, les fêtes, le goût des fruits de mer, et plus fatalement encore la beauté des paysages.
Au fait, pourquoi jaune, la roche ?
Roc’h Velen, c’est le nom officiel. D’après certains, ce serait à cause des lichens qui recouvrent les rochers. En ce qui nous concerne, nous n’avons rien remarqué de plus jaune ici qu’ailleurs. Ou alors c’est une indication plus symbolique, le jaune étant associé (au choix) à l’infidélité ou à la bonne humeur. On sait bien que les marins partaient pour de longs mois, mais on choisira quand même la seconde option.
Un canard à moteur
En 1965 un événement majeur fit date : Armand Le Guen, 75 ans, réalisa son rêve d’un engin amphibie qui lui permettait à la fois de rouler et de naviguer. Il adapta un moteur et des roues de 2 cv à une barque. Le moteur entraînait soit les roues, soit l’hélice. Et ça fonctionnait ! Tous ceux qui ont un peu de bouteille s’en souviennent encore.
Temps fort, nautique et festif
Mais le temps fort de la Roche, c’est ce qu’on appelait jadis Les Régates de la Roche, aujourd’hui rebaptisées Fête nautique musicale. L’événement attire chaque année plus de mille personnes sans compter les cent bénévoles. C’est moins une régate qu’un rassemblement de vieux gréements, dériveurs, kayaks… Tout ce qui flotte en gros, sauf le temps, toujours radieux. Concours de godille, d’avirons, pop-pop, nage, démonstrations de sauvetage, promenades sur l’estuaire comme au temps du bac qui reliait La Roche à Kerbors, en face… Enfin une grande poêlée et un fest-noz pour faire descendre le tout. Cette année ce sera le dimanche 11 août. A vos agendas, à vos rames !