Atelier Laurent Botrel : le retour de « l’enfant prodige » du vitrail

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Après 35 ans d’expérience à Saint-Brieuc, Quintin, Lamballe, Rennes, Paris, Moncontour… Laurent Botrel revient poser valises, outils et passion intacte à Saint-Brieuc. Une forme de retour aux sources pour celui qui y a vu germer sa vocation.

Ils sont seulement une à deux centaines à vivre de la verrerie d’art en France. Qu’est-ce qui a conduit Laurent Botrel à devenir l’un d’eux ?  » Un certain goût pour le passé, répond l’intéressé, et les chemins de la vie.  » Au vu de l’œuvre accomplie, ces chemins de la vie ne se sont pas trop emmêlé les pinceaux.
C’est dans les années 80, à Saint-Brieuc, dans l’atelier de Christine Cocar, qu’il teste sa passion naissante. Mais il faut plus de quelques années pour faire un maître verrier et c’est au sein du grand atelier de Quintin qu’il peaufine son art.  » Là, il m’est arrivé de travailler sur des vitraux du XIIe.  » Comme le béotien s’imagine que le Moyen-âge est la période phare du vitrail, Laurent le détrompe : « Les vitraux du XIXe sont plus intéressants, plus complexes, plus nuancés « .
Commence alors une démonstration que le « maître » illustre à l’aide d’un kit. Une fois l’esquisse au 1/10e validée par le commanditaire, on la reproduit à taille définitive, puis au calque sur des gabarits de carton ensuite reportés sur du verre, découpés, assemblés et tenus par des cordons de plomb lissés puis soudés à l’étain. Les nuances, dégradés, ombres, volumes sont ajoutés à la peinture, passée au four à 650° C.
Question liberté d’action, le verrier se tient au cahier des charges de la commande. Parfois c’est strict car il s’agit de réparer ou reproduire à l’identique. Parfois c’est plus vague, tel ce vitrail de l’église de Bégard dont il n’avait qu’une description orale pour reconstituer la partie manquante.  » Ça laisse plus de latitude mais on respecte toujours l’esprit et le style à la lettre.  » Ainsi pour illustrer Saint Albert, Laurent a-t-il prêté les traits de son propre visage au saint personnage, sans que cela choque. Moyen habile de raccourcir son propre chemin vers la sainteté sans s’attirer les foudres du Ciel ; le droit à l’image n’existait pas à l’époque.
La restauration peut aussi laisser libre cours à une liberté quasi totale. Ainsi pour une chapelle de Saint-Mayeux, la consigne générale était  » la procession « . Laurent en a créé une œuvre de grande beauté contemporaine qui, au départ, a pu heurter quelques conservateurs, mais fait depuis l’unanimité. Autre création pure pour cette chapelle du Morbihan où l’artiste a représenté sur un vitrail de 5 X 2 mètres sa vision de l’infini sous forme de planètes filant dans le cosmos. Lorsqu’on apprend que  » chaque forme est taillée dans le verre avec les outils de carreleur « , on mesure l’adresse de l’artisan et on s’étonne qu’il n’y ait pas plus de casse. L’infini à portée de molette…
Cependant, le religieux ne constitue qu’une partie des commandes. L’autre moitié provenant de particuliers, collectivités, musées… Un vitrail nécessitant une restauration tous les 120 ans en moyenne, ça représente pas mal de travail, de restauration ou de création, dans les appartements haussmanniens et hôtels particuliers parisiens. Là aussi, le maître verrier peut donner libre cours à son sens artistique.  » Quand c’est un motif figuratif, je travaille davantage la peinture. Mais plus c’est abstrait, plus le travail du verre exige du temps. « 
Un temps précieux pour l’artisan qui, réclamé de Paris à la Bretagne, compte une année de commandes devant lui. Autour de son nouvel atelier de la place de la Grille – place aux vitrines un peu désertes – il espère attirer d’autres artistes, amoureux comme lui de Saint-Brieuc, tout comme le luthier, à proximité. Avec l’autre foyer d’artistes du Légué – dont l’excellent Etienne Huck – la place de la Grille pourrait à nouveau briller de mille feux.

Une découverte accidentelle… très avantageuse

C’est en cuisant des jarres dont la terre contenait du cobalt, du manganèse et de la silice (sable) que les Égyptiens découvrirent par hasard le verre il y a 3 000 ans. Celui-ci était encore vitreux et opaque lorsque les Phéniciens en – 800, puis les Celtes vers – 400, en fabriquaient des bijoux. En y ajoutant du plomb et du baryum, les Chinois le rendirent plus stable, fin et transparent. La technique du verre soufflé n’apparut cependant qu’au 1er siècle, à Rome. Au Moyen-âge, les gentilshommes verriers avaient des privilèges appréciables : dispensés d’impôts, d’obligation d’héberger les soldats, leurs marchandises étaient exonérées de toute taxe, ils pouvaient couper tout le bois nécessaire dans les forêts d’autrui pour chauffer leurs fours et avaient droit de chasse. Avantages dus sans doute en compensation de leurs dures conditions de vie, au chaud certes, mais le plus souvent isolés en pleine forêt. Des forçats du feu, tenus en grande estime.